mercredi 30 janvier 2013

Promotion & éducation pour la santé en milieu pénitentiaire

Au gré de ma navigation, j'ai découvert la présentation des résultats de l'enquête nationale pilotée par l'Inpes en 2011 auprès des professionnels de santé sur les conditions de réalisation de l'éducation pour la santé en milieu pénitentiaire : http://www.inpes.sante.fr/30000/actus2012/039-sante-penitentiaire.asp


Cette étude avait pour objectif de décrire les pratiques en cours en matière d'éducation pour la santé, inscrites dans les missions des Unité de Consultations et Soins Ambulatoires (UCSA), en identifiant à la fois les besoins, les facteurs facilitant et les difficultés de leurs personnels.

Comme je porte un intérêt certain à la problématique de l'état de santé des personnes en détention et sur leurs conditions de vie depuis plusieurs années, je me suis penchée à nouveau sur ces questions au travers de la lecture des résultats et recommandations issues de cette étude, ainsi que sur le rapport "Les droits de l'homme dans la prison, volume I" de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH).

J'y ai notamment appris qu'un travail de réflexion avait été engagé pour élaborer un référentiel d'intervention en éducation pour la santé en milieu pénitentiaire. Il s'agira d'un nouveau guide méthodologique mis à la disposition des comités de pilotage (COPIL), généralement animés par les UCSA, pour les aiguiller dans la démarche d'élaboration de projets en prévention et promotion de la santé (phase d'analyse des besoins, pilotage et évaluation des actions, association du public cible et des différents partenaires, recherche de financement, formation des personnels, etc.).
Ce guide, publié le 30 octobre 2012 par les ministères de la justice et de la santé, est annexé à la circulaire interministérielle n° DGOS/DSR/DGS/DGCS/DSS/DAP/DPJJ/2012/373 et est disponible sur ce site.

Outre, le problème de la surpopulation, l'enquête de l'Inpes nous révèlent notamment divers points, positifs et négatifs, qui méritent notre plus grande attention :
  • En 2010, des actions d'éducation pour la santé ont été réalisées dans 85% des établissements répondants (moyenne de 5 par an). Pour les autres 15%, le manque de moyen humains, de temps, des difficultés de coordination et/ou de partenariat expliquent l'absence de ce type d'intervention.
  • 15,5% des établissements pénitentiaires ont réalisées de telles actions sans que l'UCSA soit associée et pour certaines d'entre elles l'UCSA ignorait même qui était le commanditaire, l'opérateur ou encore le thème d'intervention.
  • L'existence d'un programme d'éducation pour la santé est plus importante dans les établissements accueillant des mineurs et des femmes.
  • La composition des comités de pilotage intègre peu les instances et services extérieurs au milieu pénitentiaire pouvant avoir un rôle clé dans le champ de la promotion de la santé ou en matière d'allocation de budget (IREPS/Cres ou Codes, Éducation nationale, PJJ, associations, CAARUD, CMP, Direction des établissements hospitaliers de rattachement, ARS, DISP, etc.).
  • Seuls 15 UCSA sur les 93 ayant réalisé au moins une action bénéficiaient de temps soignant spécifiquement dédié à l'éducation pour la santé. Cependant aucun d'eux ne finançaient de temps de psychiatre pour ce champ d'activité. 
  • Les thèmes couramment traités sont variés et sont par ordre décroissant (à plus de 5%) : les addictions (24,4%), la notion générale de santé, les infections, l'estime de soi, l'alimentation-nutrition, la gestion du stress, la vie sexuelle et affective, la santé bucco-dentaire, l'activité physique, l'hygiène corporelle, les premiers secours et la prévention du suicide (5,8%).
  • Comme nous le savons, le manque de moyens humains et financiers ainsi que les contraintes pratiques liées à l'environnement carcéral constituent les premières difficultés rencontrées par les structures sanitaires pour réaliser, et ce correctement, leur mission d'éducation pour la santé. Les répondants ont également évoqué des difficultés de collaboration avec l’administration pénitentiaire ainsi que plusieurs manquements (disponibilité de partenaires, formation et volonté d'investissement des soignants, motivation et assiduité des détenus, etc.).
  • À contrario, la qualité du soutien et de l'implication de l'administration pénitentiaire, de l'établissement hospitalier, des partenariats, des personnels et intervenants sont cités comme autant de facteurs facilitant. Mais à nouveau, un bémol s'ensuit car 10% des répondants précisent ne voir aucun facteur facilitant.
  • etc.
Cette liste, bien entendu non exhaustive, nous révèle déjà quelques pistes possibles d'amélioration et d'intervention en faveur d'une meilleure prise en charge socio-sanitaire des personnes détenues. L'équipe de l'Inpes a pu à partir de ces informations émettre des recommandations (pages 58 et suivante). Je me permets de vous citer trois d'entre elles, qui peuvent paraître triviales aux acteurs oeuvrant dans le domaine de la promotion de la santé, mais qui dénotent bien de la moindre valeur accordée aux problématiques du monde carcéral, à sa population et à ses professionnels : 
  • S’assurer de la prise en compte de la population des personnes détenues et de ses besoins dans les schémas régionaux de prévention et leur actualisation.
  • Veiller à associer les professionnels exerçant en milieu pénitentiaire à l’élaboration des priorités régionales et nationales.
  • Identifier le public des personnes détenues dans les appels à projets.
Le tableau n'est pas aussi noir qu'il peut le paraître car un bon nombre de ces acteurs parviennent tout de même, malgré leurs faibles moyens et autres obstacles, à remplir leur mission d'éducation pour la santé. Certains arrivent même à tisser des lien avec les détenu(e)s et divers partenaires, grâce à leur réelle mobilisation et soutien.

Néanmoins, quelques répondants ont saisi l'opportunité des questions ouvertes de cette enquête pour insister sur les mauvaises conditions de vie des personnes en détention et leur état de santé globalement dégradé par rapport à la population générale. Ceci montre l'urgence à mettre en oeuvre des actions pérennes et efficaces pour certes améliorer leur santé mais aussi à respecter la dignité humaine et leurs droits fondamentaux. Ici, je vous conseille la lecture du rapport de 2007 de la CNCDH dans lequel elle nous présente ses réflexions et préconisations sur ces questions.

Ces problématiques ne semblent pas être restées sans écho car elles constituent les six principaux axes du plan 2010-2014 d'actions stratégiques relatif à la politique de santé des personnes placées sous main de justice (http://www.sante.gouv.fr/plan-d-actions-strategiques-relatif-a-la-politique-de-sante-des-personnes-placees-sous-main-de-justice.html).
La prise en compte des précédentes recommandations nous laisse penser qu'une amélioration de la situation est possible. Elle sera d'autant plus envisageable en agissant notamment sur les déterminants de la santé des personnes détenues (mesure 5 du plan) comme ceci était suggéré dans le guide de 2007 de l'OMS « Health in prisons. A WHO guide to the essentials in prison health » pour une meilleure intégration de l’éducation et la promotion de la santé en prison.

Il nous reste juste à espérer que les acteurs nationaux comme régionaux et de terrain sauront s'approprier ces mesures et travailler de manière concertée pour atteindre les objectifs fixés. Une évaluation de ce plan d'action à son échéance devrait nous dire si des progrès ont pu être enregistrés.






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