vendredi 18 janvier 2013

La vaccination et les professionnels de santé

J'ai réalisé ma première mission au sein de l'Agence Régionale de Santé du Languedoc-Roussillon, au pôle Prévention et Promotion de la santé.

En raison des vagues épidémiques de rougeole sévissant en France depuis quelques années, et plus particulièrement dans les régions du Sud, l'équipe dévolue à la Mission Vaccination a souhaité porter son attention sur les nouveaux professionnels de santé vaccinateurs (Sages-femmes, Infirmiers et Puéricultrices).
C'est ainsi que nous nous vîmes confier la réalisation d'une étude d'envergure régionale auprès d'un public de futurs professionnels de santé en dernière année de formation.




Malgré la charge importante de travail qu'elle a nécessité, ma collègue et moi-même avons beaucoup appris au contact des divers cadres de santé, enseignants, directeurs d'établissements, médecins, administratifs et étudiants rencontrés. 
Cette expérience fut ainsi très riche humainement mais elle nous aura aussi permis de nous rendre compte de certaines spécificités territoriales, en plus d'avoir pu visiter notre région.

Pour les plus curieux d'entre vous, n'hésitez pas à poursuivre votre lecture un peu plus loin. 


À l'exception des médecins généralistes et pédiatres, rares étaient les études consacrées aux autres professionnels vaccinateurs que sont les sages-femmes, les infirmiers et puéricultrices. De ce fait peu de données sur leurs positionnements et comportements vis-à-vis de la vaccination étaient disponibles.
Malgré ces lacunes, une couverture vaccinale régionale en-deçà de la moyenne nationale, tous vaccins confondus, une perte de confiance du grand public comme une certaine réticence de quelques professionnels de santé avaient déjà été relevées dans la région du Languedoc-Roussillon.
Vous pouvez consulter l'article consacré à ce sujet sur le site de l'InVS :
Point épidémiologique

Pour mieux cerner les raisons de ces réticences vis-à-vis de la vaccination et surtout ouvrir de nouvelles perspectives de réflexions et d'actions pour mobiliser les futurs professionnels de santé sur cet enjeu majeur de santé publique, l'ARS nous a confié la réalisation d'un diagnostic régional.

Ma collègue de promotion et moi-même avons dés lors conduit et réalisé une étude qualitative et quantitative auprès de l'ensemble des étudiants en dernière année de formation Sages-femmes, Infirmiers et Puéricultrices de la région Languedoc-Roussillon (soit 17 établissements prospectés).

Pour ma part, j'ai eu la responsabilité du traitement des données relatives au public infirmier (soit 836 étudiants sur 1111 répondants) et de la proposition d'actions préventives au regard des résultats issus des tests statistiques.
Le mémoire est disponible dans sa version intégrale ici :Perception, attitudes et comportements vis-à-vis de la vaccination chez les futurs infirmiers de la région Languedoc-Roussillon.

Pour les plus pressés, je vous transmets sa version résumée :Synthèse de l'enquête vaccination.

Toutefois, si vous souhaitez avoir un aperçu plus détaillé et surtout plus concret des stratégies d'actions préconisées pour mobiliser le public cible sur cette thématique, je vous conseille la lecture de deux points dans la version complète :
  • celle du point 4 intitulé "Propositions d'actions auprès du public" du Chapitre VI - étude quantitative ;
  • et l'ultime partie "Discussion-conclusion".

Les résultats de ce diagnostic régional ont fait l'objet d'une présentation aux directeurs des établissements de  formation prospectés ainsi qu'à la commission régionale de politique vaccinale. Cette dernière a intégré ces données à ces axes de réflexion pour le déploiement de plans d'actions à venir. À titre d'exemple, la décision a été prise, entre autres, d'engager un travail sur les diverses approches pédagogiques en lien avec l'Université et les centres de formation, pour notamment :
  • Consolider le socle de connaissances généralistes et techniques : calendrier vaccinal, maladies à déclaration obligatoire, composition et efficacité immunologique des vaccins, coûts directs et indirects des soins et épidémies, etc ;
  • Mobiliser et approfondir les concepts fondamentaux de la vaccinologie et de la santé publique : balance bénéfice-risque, immunité naturelle versus immunité vaccinale, dualité recommandations /obligations vaccinales, le rôle d’appui du professionnel de santé dans la prise de décision du patient, etc ;
  • ceci pour doter ces futurs professionnels d’éléments de langage permettant de promouvoir la vaccination en partant des interrogations des usagers : "est-ce vraiment utile ? est-ce encore nécessaire ?".
  • Impliquer les étudiants dans l’organisation et la gestion de campagne de promotion de la vaccination auprès de différents publics : mise en oeuvre d'action d'éducation-sensibilisation en utilisant l'approche par les pairs, animation d'ateliers auprès d'enfants, campagne de promotion en entreprise en partenariat avec la médecine du travail, etc.
  • Valoriser les travaux de ces étudiants en diffusant leurs créations (outils de communication) et résultats des campagnes sur les médias locaux.

Cette liste est bien entendu non exhaustive. Mais face aux épidémies auxquelles est encore confrontée notre pays, notamment de rougeole, il est apparu essentiel d'agir non seulement auprès et avec les professionnels de santé en exercice mais aussi au plus tôt de leur formation initiale. 
Un article récent évoque encore cette insuffisance de la couverture vaccinale sur le territoire français, qui met à mal les efforts d'élimination de cette maladie, pourtant évitable : http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/medecine/d/rougeole-la-france-trop-exposee_44112/#xtor=RSS-8.

En effet, nous avons relevé une évolution favorable de la représentation de la vaccination de certains étudiants infirmiers au cours de leur formation de par l'influence des professionnels rencontrés en stage (77,4%) et grâce au contenu de leurs cours (59,1%). Ces données confortent donc l'importance du rôle à jouer de l'enseignement et des professionnels en exercice dans la démarche de mobilisation des futurs infirmiers.
Néanmoins, certains aspects pédagogiques seraient à revoir et/ou à améliorer car l'impact de la formation est apparu à double tranchant, dans le sens où elle favorise certes les adhésions à la vaccination mais renforce surtout les réticences. Les étudiants initialement défavorables à cette pratique se sont ainsi avérés plus sensibles aux controverses qui ont remis en doute la balance bénéfice-risque de certains vaccins.
Il convient donc de restaurer la confiance des étudiants émettant des doutes, quant à l'intérêt et l'efficacité d'une vaccination (étudiants dénommés "neutres" dans notre recherche), autant à l'égard des vaccins que des autorités de santé en abordant cette thématique en toute transparence, neutralité et dans un langage accessible à tous. L'emploi de stratégies plus participatives, responsabilisante et sur l'environnement (familial, médecin traitant, médias et institutionnels) s'avère tout aussi nécessaire.

Dans ce sens, j'apprécie particulièrement ce site d'information tant pour son aspect graphique épuré et les réponses claires, nettes et précises apportées : http://www.info-rougeole.fr/rougeole.html
Toutefois, si les liens vers le site de l'Assurance maladie et du Ministère de la santé nous dirigent directement vers la page consacrée à la rougeole, il est dommage qu'il n'en soit pas de même pour celui de l'InVS.


Pour finir, j'aimerai vous parler de deux importants avis émis sur le programme national d'amélioration de la politique vaccinale 2012-2017 par respectivement le Haut Conseil de Santé Publique le 25 mai 2012 et la Conférence Nationale de Santé le 21 juin 2012 :
Avis HCSP 
Avis CNS

Je les ai trouvé particulièrement intéressant de par la rigueur, la cohérence et le juste propos des critiques et recommandations émises mais aussi parce qu'ils viennent conforter nos propres résultats et préconisations à l'issue de notre diagnostic en L-R.
Comme je préfère vous laisser les découvrir par vous-même, je me contenterai de relever quelques idées qui me tenaient déjà à coeur à l'époque :
  • Le besoin d'améliorer la lisibilité de la politique vaccinale (en plus d'être transparent, cohérent en terme de prise en charge des vaccins, la nécessité de faire un choix clair et précis entre autonomie  de  décision individuelle et solidarité  de santé publique, etc) en menant par exemple une large campagne de communication autour de la solidarité en matière de santé publique « vaccination altruiste ou citoyenne».
  • S'interroger dans ce sens sur les moyens et la place accordée à la médecine scolaire, universitaire, pénitentiaire et la médecine du travail.
  • Sensibiliser à cette thématique, vérifier le statut vaccinal et proposer une vaccination sur toutes les collectivités de vie (établissements scolaires, enseignement supérieur, établissements de santé, entreprises) en lien avec les différentes médecines citées ci-dessus.
  • Renforcer la formation initiale et continue des professionnels de santé en matière de prévention vaccinale, notamment auprès des infirmiers et sages-femmes, en s'assurant que celles-ci soient dispensées par des intervenants indépendants (importance de la neutralité et de la transparence).
  • Mettre en place un outil de suivi de la couverture vaccinale, ce pour éviter les oublis de rappels et assurer une liaison entre les divers professionnels de santé, tel qu'un carnet de vaccination électronique. Sur ce point, un tel outil est développé par le Groupe d’études en préventologie et pourrait être intégré au Dossier pharmaceutique électronique (déploiement permis par le décret du 7 octobre 2012) et ultérieurement alimenter le DMP lancé lui depuis 2010.
  • Cibler les actions sur le médecin de famille car je partage l'avis du HCSP selon lequel "Capter la bonne volonté des prescripteurs (relais d’influence) est la clé de la réussite des campagnes de prévention".

Enfin, à mon sens, il faudrait s'engager réellement dans un vaste programme national d'éducation à la santé auprès de la population et ce dés le plus jeune âge (la vaccination certes mais pas seulement, ici je me permet d'extrapoler les propos des auteurs) si l'on souhaite développer une vrai politique de promotion de la santé en France, à savoir : améliorer le niveau de connaissances sur la notion de santé en général,  accroître les capacités des individus à devenir des acteurs de leur santé, fournir des moyens de prévenir l'émergence de certaines maladies et combattre les inégalités socio-environnementales de santé en incluant cette dimension dans tous les domaines où elle peut se retrouver mise à mal (habitat, urbanisme, emploi, éducation, loisirs, etc.).

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